Total de visualizações de página

quinta-feira, janeiro 08, 2015

Sobre o atentado terrorista na França

Attentat à « Charlie Hebdo » : la traque d’une fratrie de djihadistes

Le Monde.fr |  • Mis à jour le  |
Par 

C'est une carte d'identité qui a mis les enquêteurs sur la piste de Saïd et Chérif Kouachi, les deux auteurs présumés de l'attaque meurtrière qui a coûté la vie, mercredi 7 janvier, à douze personnes et blessé onze autres dans les locaux deCharlie Hebdo, à Paris. Oubliée, selon une source policière, par Chérif Kouachi dans la première voiture qui leur a permis de prendre la fuite, elle a permis à lapolice de dresser leur portrait et de fonder l'espoir de les intercepter.

Les informations détenues notamment par les agents de la Direction de la sécurité intérieure (DGSI) permettent, dans l’après-midi, d’identifier les différents points de chute de deux hommes. Une homonymie conduit d’abord les enquêteurs dans un appartement de Pantin (Seine-Saint-Denis). Ils se rendent ensuite à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), une ville où Chérif Kouachi s’est marié et a vécu. Enfin, les forces de police tentent de retrouver leur trace à Reims et dans sa région, notamment à Charleville-Mézières, dans les Ardennes.
Ils ne trouvent aucun des deux hommes, qui sont de nationalité française, mais leur présence avérée et récente dans un appartement du quartier de la Croix-Rouge, à Reims, donne lieu à une longue perquisition et une analyse minutieuse du logement par la police scientifique. Des proches susceptibles de livrer des éléments sur la traque des fugitifs sont placés en garde à vue dans la soirée du mercredi 7 janvier.
Au milieu de la nuit qui suit l’attentat, un proche de la compagne de Chérif Kouachi, dont le nom circulait sur réseaux sociaux, se livre au commissariat de Charleville-Mézières afin d’écarter, explique-t-il aux policiers, les soupçons qui semblentpeser sur lui. Né en juillet 1996, il n’était, jeudi matin, pas considéré comme un suspect ayant participé à l’attaque. De source policière, on indiquait même, jeudi, au Monde, qu’« aucune charge » ne pesait sur lui et qu’il ne s’agissait, pour l’heure, « dans son cas, que de simples vérifications ».

Une fratrie suspecte

Saïd et Chérif Kouachi, qualifiés, par les autorités, « d’armés et dangereux »,étaient toujours en fuite, jeudi matin. Estimant qu’ils pouvaient bénéficier d’un« réseau de soutien »et craignant « qu’ils puissent, de nouveau, se livrer à un acte sanglant », la préfecture de police de Paris a diffusé dans la nuit un appel à témoins.
Saïd et Chérif Kouachi forment une cellule « familiale » dont on ne connaît pour l’instant pas les éventuelles ramifications. Ce qui est certain, c’est qu’avant d’être soupçonné d’être l’un des auteurs des assassinats de Charlie Hebdo, Chérif, le cadet, a appartenu à un groupe que l’on pourrait aujourd’hui considérer comme l’un des « pionniers » du djihad à l’étranger. De nationalité française, né dans le 10earrondissement de Paris, Chérif, qui se faisait appeler « Abou Issen », a été condamné, le 14 mai 2008, à trois ans de prison dont 18 mois avec sursis dans le dossier dit de la filière « des Buttes-Chaumont », qui envoyait des candidats au djihad en Irak entre 2004 et 2006.
Entendu en 2010, sa compagne, animatrice en crèche, avait revendiqué le port levoile intégral depuis son pèlerinage à La Mecque en 2008. Chérif Kouachi l’avait épousé le 1er mars 2008, avec, pour seul témoin, son frère Saïd. Il est sa seulefamille depuis le décès de ses parents. Relu à l’aune des événements d’aujourd’hui, le procès des Buttes Chaumont montre comment en dix ans, des jeunes du 19e arrondissement de Paris, âgés à l’époque d’une vingtaine d’années, sont passés de la volonté de se battre en Irak à celle de mener des attaques terroristes sur le sol français.
Chérif Kouachi a connu une partie de ses complices au collège. A l’époque, il est considéré comme le plus violent et le plus impulsif de tous. Ses camarades lui attribuent déjà des projets d’attentats terroristes contre des commerces juifs à Paris. Avec ses copains, il commet des larcins dans le quartier des Buttes-Chaumont, dans le 19e : vols, drogue, petits trafics. Son attrait pour le « djihad » apparaît en 2003, lorsqu’il commence à fréquenter la mosquée Adda’wa, à Stalingrad. Cheveux mi-longs, carrure athlétique, mâchoire carrée, Chérif Kouachi admet à la barre, en 2008, avoir été « un délinquant «. « Mais après j’avais la pêche, je calculais même pas que je pouvais mourir ».
A la mosquée, il rencontre le futur chef de la filière irakienne, Farid Benyettou. A peine plus âgé que lui, le jeune homme se vante d’une connaissance approfondie de l’islam et joue les prédicateurs à la sortie de la prière. Avec lui, les jeunes genssuivent des cours de religion, à leur domicile et dans un foyer du quartier. Certains s’y rendent presque tous les jours et coupent, peu à peu, les ponts avec leurs familles. Leur mode de vie change radicalement. Ils arrêtent de fumer, cessent les trafics, visionnent des vidéos sur le djihad. Les images de l’intervention américaine et britannique, en mars 2003, en Irak, les fascinent. « C’est tout ce que j’ai vu à la télé, les tortures de la prison d’Abou Ghraib, tout ça, qui m’a motivé », raconte, lors du procès de 2008, l’un des proches de Chérif Kouachi.
S’ils se radicalisent en moins d’une année et cherchent à gagner l’Irak, Chérif Kouachi et ses camarades apparaissent à la barre comme un petit groupe amateur. Une sorte de bande de « pieds nickelés » qui comparaît libre, à l’exception de l’un d’entre eux. Ils s’entraînaient en faisant des footings dans le parc des Buttes Chaumont et ils « voulaient jouer dans la cour des grands sansêtre vraiment prêt », avait-on entendu à la barre. « Plus le départ approchait,explique alors Chérif Kouachi, plus je voulais revenir en arrière. Mais si je me dégonflais, je risquais de passer pour un lâche. » Un fidèle plus âgé de la mosquée lui avait appris à manier la kalachnikov.

Radicalisation en prison

Si, entre 2003 et 2005, les départs en Irak s’échelonnent, chacun s’organise comme il peut pour ne pas éveiller les soupçons. Pour justifier leur départ, ils affirment souvent vouloir « perfectionner leur arabe ». Certaines familles s’inquiètent de leur absence. Mais, preuve que la menace qu’ils représentent pour la France n’est pas encore considérée comme très importante, les signalements émanant des familles ne suscitent pas le même empressement que celui qu’ils causeraient aujourd’hui. Une fois parvenus à Damas, en Syrie, ils sont accueillis dans des écoles coraniques salafistes où certains diront plus tard qu’on leur a« bourré la tête ». Très vite, ils passent la frontière syro-irakienne. Cherif Kouachi n’a jamais quitté le sol français : il est interpellé, à Paris, en janvier 2005.
Lors de l’année et demie qu’il passe en prison, de janvier 2005 à octobre 2006, à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne), Chérif Kouachi fait la connaissance de celui qui deviendra son nouveau mentor : Djamel Beghal. Cet homme, qui se fait appeler Abou Hamza, purge une peine de dix ans de prison pour un projetd’attentat fomenté, en 2001, contre l’ambassade des Etats-Unis à Paris.
A sa sortie de prison, en 2006, Chérif Kouachi travaille à la poissonnerie du magasin Leclerc de Conflans-Sainte-Honorine (Yvelines). Selon les policiers de la sous-direction antiterroriste (SDAT), il conserve alors des liens avec certains de ses anciens complices des Buttes-Chaumont. Il aurait participé, selon le SDAT, à la préparation de l’évasion d’une autre figure de l’islam radical, Smaïn Ait Ali Belkacem, condamné, en novembre 2002, à une peine de prison à perpétuité pour sa participation à l’attentat de la station RER Musée-d’Orsay, en octobre 1995.
Incarcéré de nouveau en mai 2010 sur la base de ces soupçons, Chérif Kouachi est libéré le 11 octobre de la même année. Faute de preuves suffisantes, le parquet de Paris requiert un non-lieu le 26 juillet 2013, et ce « edépit de son ancrage avéré dans un islam radical, de son intérêt démontré pour les thèses défendant la légitimité du djihad armé », note le réquisitoire. Un magistrat contacté par Le Monde se souvient de ce dossier. « A l’époque, nous ne pouvions pasdeviner sa dangerosité. On allait tout de même pas le condamner pour avoir joué au foot… »
Photos de surveillance policière prises à Murat (Cantal) lors d’une rencontre entre Chérif Kouachi et le terroriste Djamel Beghal, le 11 avril 2010.
BOURREAU DE ETAT ISLAMIQUE
Pour étayer ses liens avec Djamel Beghal, qu’il a connu en prison, les enquêteurs disposent de rapports de surveillance. Chérif Kouachi est photographié dans le Cantal, à Murat, du 9 au 16 avril 2010, en compagnie de son mentor, qui est assigné à résidence. Le 11 avril 2010 au matin, ils sont rejoints par deux hommes qui ont déjà été condamnés pour des faits de terrorisme, Ahmed Laidouni et Farid Melouk. Les quatre hommes se rendent à pied sur le terrain de football de la ville, où durant deux heures, ils font du sport et se promènent dans la campagne.
Sur une écoute téléphonique datée du 14 avril 2010, Chérif Kouachi se félicite de ce séjour. « Non franchement, on est partis faire du sport, wallah c’était trop bien. » Un enthousiasme que ne partage pas son mentor. Un mois plus tôt, le 12 mars 2010, sur une autre écoute, Djamel Beghal met en garde un complice à propos de « Chérif » : « Fais pas confiance, il faisait pas à manger au Habs [prison en arabe] ».
Depuis sa résidence surveillée du Cantal, Djamel Beghal supervisait les préparatifs de l’évasion de Smaïn Ait Ali Belkacem, note le parquet dans un réquisitoire définitif du 26 juillet 2013. Dans ce même dossier, l’aîné des Kouachi, Saïd, apparaît également en périphérie. Sans plus d’éléments le concernant, les policiers ne poursuivent pas les investigations.
Dans cette affaire, les policiers confirment cependant « l’ancrage radical » de Chérif Kouachi grâce aux perquisitions menées à son domicile de Gennevilliers (Hauts-de-Seine). Au milieu d’images pornographiques, voisinent des ouvrages tels que « Déviances et incohérences chez les prêcheurs de la décadence », un livre qui dénonce l’existence d’un islam démocratique. Les policiers ont aussi mis la main sur « Les savants du Sultan, Paroles de nos prédécesseurs » quistigmatise les compromis des religieux avec le pouvoir et sur d’autres écrits justifiant le djihad et le martyre et rendant obligatoire le « djihad défensif ».
L’enquête a d’ores et déjà permis, selon les informations du Monde, d’en savoirplus sur la cellule des frères Kouachi. Dans le groupe Beghal-Kouachi, qui préparait l’évasion de Smaïn Ait Ali Belkacem, figurait, en effet, un homme dont le nom a récemment fait l’actualité internationale, Salim Benghalem. Il est présenté aujourd’hui par les Etats-Unis, comme l’un des principaux « bourreaux » de l’Etat islamique en Syrie, et il a été inscrit, fin septembre 2014, sur la liste noire du département d’Etat américain aux côtés de neuf autres djihadistes présumés dangereux.
Lorsqu’il purgeait une peine de prison à Fresnes (Val-de marne), pour « tentative de meurtre », en 2008, Salim Benghalem s’était lié d’amitié, selon la police antiterroriste française, avec l’un des membres de la filière irakienne des Buttes-Chaumont dont il partageait la cellule. Une relation qu’il a étendue, à sa sortie de prison, avec d’autres piliers de cette filière, dont Thamer Bouchnak.
INFLUENCE DE LA FILIERE DU 19E EN TUNISIE
L’influence de cette filière irakienne du 19e arrondissement de Paris a, enfin, été décelée en Tunisie après l’assassinat, les 6 février et 25 juillet 2013, de deux opposants politiques, Chokri Belaïd et le député Mohamed Brahmi. Ces deux meurtres, qui ont plongé la Tunisie dans une crise profonde, ont été revendiqués par des membres d’Ansar Al-Charia, un groupe salafiste radical créé en mai 2011 ayant fait allégeance à l’Etat islamique.
Le meurtre de ces deux opposants a été revendiqué, le 17 décembre 2014, par un proche de Chérif Kouachi, un franco-Tunisien nommé Boubaker Al-Hakim et connu sous le nom de « Abou Mouqatel ». « Nous allons revenir et tuer plusieurs d’entre vousVous ne vivrez pas en paix tant que la Tunisie n’appliquera pas la loi islamique », assure t-il alors. Selon le ministère de l’intérieur tunisien, l’intéressé est « un élément terroriste parmi les plus dangereux, objet de recherches au niveau international », déjà recherché pour trafic d’armes en Tunisie.
Boubaker Al-Hakim est considéré comme un exemple par « ses frères d’armes ». Il est l’un de deux fondateurs des filières irakiennes des « Buttes-Chaumont ». Présent en Irak dès 2002, il a, selon ses propres dires en garde à vue, séjourné à quatre reprises en Irak avant d’être condamné dans ce dossier. Au procès de la filière du 19e, en 2008, il était le seul détenu. C’est sur lui que pesaient les charges les plus lourdes.
Vingt-quatre heures après l’irruption sanglante des frères Kouachi dans les locaux de Charlie Hebdo, la DGSI s’interrogeait, jeudi, sur les liens pouvant exister entre tous ces hommes – Kouachi, en France, Benghalem en Syrie et Al-Hakim en Tunisie. Depuis le début de la crise syrienne, les services de renseignement craignaient que les jeunes recrues djihadistes formées sur le sol syrien organisent des attentats terroristes sur le sol français. Finalement, l’attaque spectaculaire tant redoutée n’est pas venue de ces novices mais de l’ancienne garde déjà passée en Irak que l’on croyait, à tort, assagie.